PENDANT LES MESURES D’INSTRUCTION IN FUTURUM (expertise judiciaire)
Un référé expertise judiciaire suspend le délai de garantie légale mais ne l’interrompt pas, s’agissant non pas d’un délai de prescription mais d’un délai de forclusion.
1) Expertise judiciaire et suspension.
Sous l’empire de l’ancien article 2244 du Code Civil, l’assignation en référé interrompait la prescription. Cela aboutissait à faire courir un nouveau délai de prescription au jour du prononcé de l’ordonnance en référé.
Le nouvel 2239 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, a introduit une nouvelle cause de suspension de la prescription. Ce texte prévoit ainsi que « la prescription est […] suspendue lorsque le juge fait droit à une demande d’instruction présentée avant tout procès » et que « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée».
Cependant, les commentateurs avaient relevé que cet article visait uniquement les « délais de prescription » et non les « délais de forclusion ».
Or, l’article 2220 du code civil prévoit expressément que « les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre ».
La Cour de Cassation retient une interprétation stricte du texte en retenant que « la suspension de la prescription prévue par l’article 2239 du code civil n’est pas applicable au délai de forclusion » (Cass. civ. 3ème, 3 juin 2015, pourvoi n°14-15.796).
Reste que l’article 2241 du Code Civil prévoit :
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
2) Concernant les délais de forclusion.
La mesure de référé-expertise n’entraîne aucune suspension, mais bénéficierait uniquement de l’interruption consécutive à l’assignation en référé en application de l’article 2241 du code civil (qui vise expressément les « délais de forclusion »). Le nouveau délai est décompté dès le prononcé de l’ordonnance et donc pendant le cours des opérations d’expertise.
3) Pour les délais de prescription.
L’assignation en référé emporterait non seulement un effet interruptif, mais sera en outre assortie d’une suspension.
4) Application à la responsabilité légale des constructeurs :
La Cour de Cassation a rappelé, concernant les garanties légales, qu’il s’agit non pas de délai de prescription mais de forclusion. Ce délai est interrompu par l’assignation en référé, mais n’est pas suspendu le temps de la mesure d’expertise :
- C.Cass.Civ3.10 Novembre 2016 N°15-24289 :
« Attendu que, pour déclarer prescrite l’action de M. et Mme Y… sur le fondement de la garantie décennale, l’arrêt retient que le 12 mai 2008 étant un jour férié, l’assignation en référé délivrée le 13 mai 2008, ultime jour utile pour introduire l’action en responsabilité décennale, a suspendu le délai de la prescription dans les conditions prévues à l’article 2239 du code civil et que, le rapport d’expertise ayant été déposé le 4 mai 2009, ils disposaient, en vertu des dispositions de cet article, d’un délai de six mois supplémentaire, expirant le 4 novembre 2009, pour délivrer leur assignation au fond. Qu’en statuant ainsi, alors que la suspension de la prescription n’est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
- C.Cass.Civ3.4 Novembre 2004.N°03-12481 :
« Mais attendu que le principe selon lequel l’exception est perpétuelle ne s’appliquant pas au délai de la garantie biennale invoqué par les parties qui est un délai de forclusion, non de prescription ».
Le risque serait donc que le rapport d’expertise soit déposé alors que le délai de forclusion est expiré, obligeant le demandeur à doubler son assignation en référé d’une action au fond, pour préserver le délai.